Évolution
Vers 1958, à la Station Maître Radar (SMR) de Romilly – indicatif Calva – un contrôleur guide une patrouille de Mystère IV A de Creil pour aller reconnaître un avion rapide qui suit, en haute altitude, la voie aérienne allant de Dijon vers Bray.
Les deux pilotes de chasse sont ravis car ils identifient un Boeing 707 français, avion qu’ils n’ont encore jamais vu en vol. Ils décident de l’accompagner pour prendre des photos.
Après quelques minutes de conduite, une quatrième voix se fait entendre sur la fréquence radio particulière de contrôle :
- Allo Calva d’Air France 257
Le contrôleur est stupéfait mais il accuse réception. Une conversation commence alors, à peu près celle-ci :
- Calva, ils sont avec toi les deux avions de la 10 qui sont à ma gauche ? ;
- Affirmatif ;
- Qui c’est ? ;
- C’est Cristal Bleu ;
- Il est sur quelle fréquence ? ;
- Il est là ;
- Ah bon ! Cristal bleu d’Air France ? ;
- Oui 5/5 Air France. Vous avez des ennuis ? ;
- Non, non… enfin… (un petit silence)… Mes passagers se bousculent tous sur les hublots de gauche pour vous regarder, ça irait mieux si un de vous passait à droite ! ;
- Pas de difficulté ; Allez-y deux.
Arrivés à Bray, on se quitte car le pilote civil annonce qu’il va descendre vers Orly et nos chasseurs virent vers leur terrain.
Un peu plus tard, un des correspondants militaires servant au sein du contrôle aérien régional d’Orly nous répondait qu’outre ses Caravelle, Air France alignait désormais deux Boeing 707, l’un portant la flamme du Château de Versailles – flamme remarquée par nos chasseurs – et l’autre celle du Comté de Nice.
De cet incident plutôt amusant, notre contrôleur avait tiré deux enseignements :
- dés cette époque, les avions commerciaux utilisaient des moyens radios à nous faire pâlir d’envie. En effet, nos chasseurs ne disposaient alors que d’un seul poste à vingt canaux, lesquels étaient préréglés différemment d’une escadre à l’autre. En outre, les pannes radios étaient aussi fréquentes sur nos avions qu’au sol. Il en résultait des « courses à la fréquence » et quand on se retrouvait sur la détresse ou la garde-chasse, il fallait les dégager rapidement. Ces difficultés radios étaient communes là où les avions déployés étaient les plus nombreux. En Zone Nord, quatre facteurs complémentaires ont progressivement amoindri ces soucis :
- l’utilisation de l’UHF
- l’entrée en service du SMB2 et du Vautour 2N, qui disposaient de deux postes
- la mise en sommeil presque simultanée de la moitié des SMR
- et, évidemment, le progrès technique des équipements
- le second enseignement, plus sympathique, était que certains pilotes civils avaient manifestement fait leurs humanités dans une première carrière.
Elle est bien lointaine cette époque où les équipages civils ne craignaient pas de voir de près un avion militaire !