Le stage transfo

On nous a appris…

En 1958, les Vautour II N entrent en service dans la Défense Aérienne ; ces avions sont affectés à la 30e ECN (Escadre de Chasse de Nuit) qui prend alors l’appellation de 30e ECTT (tout temps) déployée à Tours-Saint Symphorien (BA 109). L’escadre dispose encore de Météor NF 11 pendant quelques mois.

Ce changement d’avions, les AWX devant à la longue remplacer tous les IDF(1), amène l’état major de la ZADN à estimer que la formation des officiers(2) contrôleurs impose qu’ils soient « transformés AWX ».

Nombre d’entre nous ont donc suivi ce stage de transfo d’une semaine, pour cinq ou six élèves à la fois, qui se déroulait au Ramolo (Radar Mobile Lourd) implanté sur la partie sud de la BA 109. Je ne sais plus si la ZADS a également envoyé ses contrôleurs à ce stage…

L’instruction pratique avait lieu dans la salle d’opérations de Raki, alors campée sous la tente(3) qu’on dénommait le « Ramolo Circus » ; on nous faisait contrôler des mutuelles entre Météor et entre Vautour, ce que nous ne faisions pratiquement jamais avec les autres chasseurs, car nous leur trouvions presque toujours un plastron d’opportunité. Pour la théorie, deux ou trois capitaines, anciens de la chasse de nuit, passaient souvent la rampe en nous délivrant leurs briefings, souvent imagés d’élocutions déridantes ; le contact avec ces moniteurs était franc et ludique – comme on dit maintenant. L’un d’eux, notamment, commençait infailliblement son speech par : « Alors aujourd’hui, les feignants… ».

Toutefois ils nous ont très bien appris le Vautour, les équipages à deux « pilotes » et les événements survenant parfois la nuit… L’indicatif des derniers Météor était Mercure ; Mercure 10 était le LCL Pince, bien connu des contrôleurs de la zone nord car il avait l’habitude de contacter les CTR pour « transmettre pour fixe » afin de nous entraîner à la triangulation. On peut croire qu’à la longue il a accordé sa confiance aux radars, puisqu’il a ultérieurement commandé la ZADN. Au 3/30 Lorraine, il y avait aussi des gens aux noms fleuris, comme « Cimetière » et « Cercueil », qui volaient, évidemment, en équipage.

Vers 1956, outre leurs « trous » et leurs « propagations anormales », nos radars nous présentaient parfois des échos bizarres que pilotes et contrôleurs étaient trop facilement enclins à vouloir identifier. Je confesse avoir conduit un NF 11 – décollé sur alerte d’exercice, la nuit – dans un vol de grues à 10 000 pieds par un très joli clair de lune ; c’est par miracle que les moteurs n’ont pas avalé un de ces gros oiseaux ! Plus tard, j’ai aussi fait monter un V 2 N bien au dessus de 50 000 pieds à la « poursuite » d’un ballon météo qui générait un « judy » d’excellente qualité !

Au cours du stage de transfo, nous étions hébergés au « Colombier » qui était le mess-hôtel des officiers de la base, un bâtiment ancien au mobilier d’ébéniste, confortable au possible… Le stage à Raki constituait une villégiature autrement relax que de prendre la veille dans nos stations…


  1. Précisons pour les jeunes (!) :
    – AWX : All Weather Fighter (pourquoi X ? je n’ai jamais su)
    – IDF : Interception Day Fighter.
    À cette époque, pratiquement tous les pilotes (on ne voyait un NF 11 que de temps à autre, et son radar…) ne disposaient que de leur vue pour apercevoir leur plastron ; aussi était-il convenu qu’à défaut de « visuel », le contrôleur ordonnait le virage relatif afin de terminer mille mètres arrière. Ce n’était pas toujours gagné, mais les contrôleurs confirmés y parvenaient très bien ; leur indicatif personnel avait bien évidemment une certaine incidence sur la façon dont le leader enchaînait. Mais comme on était confirmé avec 250 interceptions réussies, ce qui ne coûtait qu’environ six mois en zone nord, nous étions, non seulement confirmés officiellement, mais en plus, vraiment capables rapidement.
  2. Seuls les officiers exerçaient le contrôle ; cette restriction ne rencontrait pas de difficultés car le service militaire était de 18 mois, d’où il résultait que les aspirants et les sous lieutenants de réserve étaient nombreux dans nos stations et, en outre, on ne contrôlait que les intercepteurs.
  3. Raki a servi sous la tente, jusqu’à son installation dans une salle moderne et en dur à Cinq-Mars-la-Pile en 1965 ; au Ramolo Circus, les contrôleurs, même émotifs, ne mouillaient pas leur chemise en hiver…
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